Apports du nouveau Code de l’Environnement du Sénégal – application au secteur extractif

Apports du nouveau Code de l’Environnement du Sénégal – application au secteur extractif

Le nouveau Code de l’Environnement (ci-après le « Code ») a vu le jour par la Loi n° 2023-15 du 02 août 2023 portant Code de l’Environnement publiée au Journal Officiel le 16 septembre 2023. Cette loi est venue adapter, compléter et renforcer les dispositions de l’ancien Code de l’Environnement datant de 2001.

En premier lieu, on peut constater que le nouveau Code de l’Environnement fait de l’information au public une priorité. En effet, le Code garantit désormais l’accès à l’information par l’Etat (article 7 et suivants) par la possibilité pour toute personne qui en fait la demande d’obtenir une information relative à l’Environnement quand elle est disponible et la diffusion par l’autorité publique de toute menace grave et imminente pour la santé et l’Environnement. L’Etat se doit également de faciliter la participation du public au processus décisionnel. Les promoteurs de projets sujets à risques environnementaux devront donc redoubler d’efforts pour se conformer au mieux aux exigences légales et réglementaires. En effet, on a fréquemment vu ces dernières années des populations environnants des projets notamment miniers s’inquiéter des conséquences environnementales de tels projets allant même jusqu’à exercer une pression auprès des autorités étatiques et d’exercer un réel lobbying.

Pour la première fois, il est fait référence à la responsabilité sociétale d’entreprise dite « RSE » comme complétant tout dispositif d’appui, en relation avec le Ministère de l’Environnement et des Collectivités territoriales. Ainsi, les actions RSE des entreprises ne sauraient remplacer les exigences prévues par la réglementation. C’est cette interprétation de la RSE qui est par ailleurs partagée par le Ministère des Mines et de la Géologie.

Une des nouveautés majeure de la Loi n° 2023-15 du 02 août 2023 portant Code de l’Environnement réside dans la création d’instruments financiers (articles 16 et suivants). Ainsi, il est prévu pour la protection de l’Environnement, des droits, redevances et taxes parafiscales supportés par les exploitants des installations classées ou toute personne qui mène une activité réglementée à incidence environnementale. Une exonération est prévue pour les entreprises qui investissent dans la lutte contre les pollutions et nuisances. Des textes supplémentaires viendront certainement préciser l’assiette et les modalités de calcul de ces nouveaux impôts liés à la protection de l’Environnement ainsi que les conditions d’application de l’exonération.

Le nouveau code de l’Environnement a également complexifié le schéma de procédure de conformité environnementale (articles 20 et suivants) nécessaire avant tout processus de conception, de développement et de mise en œuvre de projets ayant un impact sur l’Environnement. La notion d’installation classée de catégorie 1 et 2 est maintenue. La catégorie 1 comprend les projets soumis à une étude d’impact environnemental avec risque environnemental majeur et la catégorie 2 concerne les projets faisant l’objet d’une analyse environnementale initiale modérée. Le nouveau Code maintient les notions de danger et d’altération moyenne ou profonde de l’Environnement pour distinguer ces deux catégories.

L’évaluation environnementale est désormais composée d’une évaluation environnementale stratégique, d’une étude d’impact environnemental et social (pour les installations de 1ère classe), une analyse environnementale initiale (pour les installations de 2e classe) et d’un audit environnemental. Elle peut également potentiellement comprendre une étude de danger en fonction du type d’installation classée. Comme pour le code de 2001, il est également précisé que la participation du public est une partie intégrante du processus de l’évaluation environnementale. Des textes réglementaires doivent venir préciser les conditions de réalisation et le contenu de ces études.

La validation de l’évaluation environnementale par le nouvel organe créé à cet effet (Comité technique de Validation et Suivi des Evaluation environnementales) se concrétise par la délivrance d’un certificat de conformité environnemental par arrêté du Ministre chargé de l’environnement valable pour une durée de 05 ans renouvelable.  En plus de ce certificat et en cas de validation de l’audit environnemental et de l’évaluation environnementale, le Service chargé de l’Environnement délivre une attestation de conformité environnementale. Enfin, en fin de vie du projet ou à sa fermeture le Ministre chargé de l’Environnement délivre un quitus de conformité environnemental si toutes les dispositions relatives au plan de gestion environnementale et sociale sont respectées.

Il est explicité que l’évaluation environnementale est une étape préalable et obligatoire avant toute procédure d’autorisation, d’approbation et d’octroi de tout permis. Appliqué au secteur extractif, on comprend que toute demande de permis  ou autorisation minier ou pétrolier est subordonnée à la réalisation de cette évaluation.

La notion d’ « installations classées » comprend désormais de manière explicite les mines et carrières, les équipements sous pression de vapeur et de gaz, et les installations industrielles pétrolières et gazières. On remarque ici une ferme volonté de viser le secteur extractif.

Le nouveau Code de l’Environnement a maintenu la procédure d’autorisation préalable pour les installations de première classe qui se matérialise par l’obtention de l’attestation de conformité environnementale puis du certificat de conformité environnementale. Pour les installations de deuxième classe on fait toujours référence au régime de la déclaration qui aboutit à la délivrance d’un récépissé par le Ministère de l’Environnement.

On a également durci le régime de la gestion des substances chimiques nocives ou dangereuses (articles 100 et suivants) dont la fabrication, l’importation, l’élimination, la distribution, le transport le transit, l’exportation et le stockage sont soumis à autorisation préalable du Ministre de l’Environnement.

Une nouveauté majeure réside dans la création d’un chapitre entier dédié à la gestion des activités pétrolières et gazières (articles 129 et suivants). Toutes les opérations du secteur allant de la prospection au démantèlement et à la construction de canalisation pour le transport d’hydrocarbures sont soumises à évaluation environnementale préalable avec délivrance du certificat de conformité environnementale fixant les modalités de mise en œuvre du plan de gestion environnementale et sociale qui doit être pris en compte au moment de la fin de vie du projet. Comme pour les titulaires de titres minier d’exploitation, on remarque également l’obligation pour les titulaires de titres d’exploitation pétrolière ou gazière de provisionner une garantie sous forme de somme versée dans un compte ouvert dans un établissement financier désigné par l’Etat pour la réhabilitation ou la remise en état des sites affectés. Il est important de rappeler que le secteur minier souffre encore jusqu’à présent d’un manque d’application de cette disposition en raison de l’absence de textes réglementaires censés préciser les conditions de mise en œuvre de cette garantie. 

Le chapitre dédié à la lutte contre la pollution et la dégradation des sols et sous-sols fait à présent explicitement référence au secteur minier (articles 175 et suivants). Il est prévu que tout demandeur de titre minier doit réaliser une évaluation environnementale comprenant un plan de réhabilitation et de fermeture, faisant partie intégrante du plan de gestion environnementale et sociale. Comme pour les activités pétrolières et gazières, le demandeur de titre minier doit avant le démarrage de tous travaux disposer du certificat de conformité environnementale. Le nouveau Code de l’Environnement vient en outre rappeler les obligations déjà présentes dans le Code Minier de réhabilitation du site et de provision d’un fonds de réhabilitation.

Sur le volet pénal, de nouvelles infractions ont été ajoutées. Par ailleurs, le montant des amendes a considérablement été revue à la hausse pouvant aller jusqu’à un milliard de francs CFA.  La procédure de transaction devient plus encadrée. Sont exclus de la possibilité de transiger les infractions liées au déversement clandestin des substances nocives et dangereuses dans les eaux sénégalaises, à l’importation ou au déversement clandestin ou illégal des déchets dangereux sur le territoire sénégalais, et à la violation de la règlementation applicable à la gestion des substances ou déchets toxiques et dangereux.

Enfin, il est laissé un délai de 06 mois aux exploitants d’installation classée pour se conformer à la présente réglementation. En ce qui concerne les titulaires de titres miniers, ils doivent dans ce délai de 06 mois compléter leur évaluation environnementale par un plan de réhabilitation et de fermeture approuvé par l’organe compétent.  On remarque une exclusion explicite des clauses de stabilisation prévues notamment par les conventions avec l’Etat, pour les nouvelles charges occasionnées par des mesures de protection de l’Environnement. Cela confirme la volonté actuelle de l’Etat d’interpréter strictement et de limiter les clauses de stabilisation aux aspects financiers, fiscaux et douaniers.  

En somme, le nouveau Code de l’Environnement vient renforcer, préciser et complexifier les obligations et procédures déjà existantes en matière d’Environnement pour s’aligner sur les tendances internationales et anticiper les potentielles conséquences que pourraient avoir les activités pétrolières et gazières sur le territoire. On remarque ainsi une volonté de mieux réglementer et d’anticiper les conséquences environnementales liées aux activités minières et pétrolières. Reste cependant l’adoption des différents décrets et arrêtés sans lesquels les apports de ce Code ne pourront voir le jour.

Comment ( 1 )

  • Aboubacar FALL

    Tres interessant.
    Vous contribuez à alimenter la doctrine dans un domaine trés spécialisé.
    Congrats

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